Prévenir avec les exosquelettes

Publié le 9 septembre 2024 à 22:14

Par leur caractère innovant et la dimension technologique qu’ils reflètent, les exosquelettes ont pu paraître comme LA solution en prévention des TMS. Personnellement, j’étais a priori peu convaincue des apports de l’exosquelette en matière de prévention des TMS de par sa définition même et par le manque de recul que nous avons sur sa mise en place.

 

Par ma participation à des échanges, des recherches et partages d’expérience, j’ai objectivé cet avis et consolidé mes apprentissages sur l’exosquelette en tant qu’outil de prévention.

 

Je partage ici ce que j’ai appris, mes réflexions personnelles et les références bibliographiques que j'ai consultées au sujet des exosquelettes.

Exosquelettes : de quoi parle-t' on ?

Le concept d’exosquelettes apparaît dans les années 60 avec tout d’abord des applications militaires et médicales. Ce n’est qu’à partir de 2012, en France, que les exosquelettes apparaissent pour leur application d’assistance physique pour des tâches de manutention ou nécessitant des postures contraignantes, dont la charge physique est importante et pour lesquelles il n’y a pas d’aménagement ni d’automatisation possible/envisagée.

On distingue deux types d’exosquelettes :

 

  • les Dispositifs d’Assistance Physique (DAP) qui ne font que restituer de l’énergie à l’utilisateur par le moyen de ressort ou d’élastique par exemple mais pas uniquement ;

  • les Robots d’Assistance Physique (RAP) qui sont plus “actifs” et mettent en œuvre une action électrique.

 

 

L’exosquelette est-il une solution complète de prévention des TMS ?

La réponse est sans surprise : NON.

D’abord parce que les TMS sont un risque multifactoriel comprenant les dimensions biomécaniques, organisationnelles, psychosociales et individuelles. L’exosquelette, lui, n’intervient que sur la dimension biomécanique.

Mais aussi car l’exosquelette agit, par définition, sur la force et réduit donc l’effort fourni par l’opérateur lorsqu’il effectue une tâche. Il n’agit pas sur la répétitivité ni sur l’amplitude de mouvement donc pas sur la posture.

L’exosquelette est-il adapté dans toutes les situations de travail impliquant des sollicitations physiques importantes ?

NON PLUS ! L’exosquelette réduit une/des contraintes biomécaniques localisées induites par une/des tâches spécifiques. Il n’est pas adapté pour toutes les situations de travail. Son adaptabilité dans le contexte de travail ne peut être confirmée ou infirmée que par une mise en situation.

Il va de soi que la mise en œuvre d’exosquelettes doit résulter d’une démarche construite, il n’est pas question de déployer cette solution sans l’intégrer dans la démarche globale de prévention des TMS. Il faut alors garder à l’esprit qu’elle n’est pas une fin en soi parce qu’il est crucial d’être sûr de l’analyse de la situation de travail et d’avoir bien identifié au travers de celle-ci les déterminants de la situation de travail concernée.

Ensuite, identifier les solutions envisageables dans le respect des 9 principes généraux de prévention et toujours rester au TOP dans la définition des solutions : je veux dire identifier toutes les solutions Techniques, Organisationnelles et sur les Personnes (humaines) !

Dans cette optique, les exosquelettes interviennent alors comme les EPI en dernier parmi les leviers mobilisables.

Les éventuels impacts et contraintes qui vont être induits en prévention par l’utilisation d’un exosquelette doivent alors être identifiés dès la définition du besoin et l’élaboration du cahier des charges qui implique nécessairement l’utilisateur.

Quels sont les impacts de l’utilisation de l’exosquelette pour l’opérateur dans sa situation de travail et pour sa santé ?

L’utilisation de l’exosquelette n’est évidemment pas sans effets. Leur identification passe par des analyses de risques et par un suivi des utilisateurs. Au cours de ceux-ci, il faut veiller à ne pas oublier l’aspect organisationnel, l’utilisateur doit notamment pouvoir définir sa stratégie opératoire et conserver ses marges de manœuvre (pouvoir aider un collègue, modifier sa posture, ... ).

Une évaluation et un retour d’expérience sur l’ACCEPTATION de la solution est donc incontournable. Ceux-ci prennent en compte plusieurs composantes : l’affect (ressenti, confiance, …), l’impact sur l’identité professionnelle de l’utilisateur (développe-t-il de nouvelles compétences ?...) , l’influence sociale (le regard des autres sur l’utilisateur entre autres), la facilité d’utilisation (les réglages de l’outil sont déterminants), les conditions facilitantes (formation, référent, accompagnement ..) et évidemment la PERFORMANCE GLOBALE (productivité, qualité du travail, sécurité, …) ... (source : Références en santé au travail, décembre 2019, n°160, TF274, p.49-76. - INRS)

Sur l’aspect “santé de l’opérateur”, l’état de la connaissance me semble être encore limité. Il apparaît néanmoins que l’utilisation de l’exosquelette peut induire des sollicitations importantes d’autres muscles ou membres, lesquelles ne sont pas toujours aisément mesurables. Ces sollicitations peuvent être plus ou moins importantes selon la maîtrise effective des réglages de l’outil par l’opérateur combinée à sa connaissance de sa physiologie.

Ce que je propose d’en retenir

L’exosquelette peut être un bon moyen de prévention s’il est inclus dans un projet global d’entreprise en matière de prévention, que sa définition et sa mise en œuvre sont partagées avec les utilisateurs finaux et que toutes les autres solutions de prévention, collectives notamment, mobilisables ont été activées ou étudiées.

 

Il est également essentiel de ne pas négliger les impacts possibles de l’utilisation de l’exosquelette sur la sécurité et la santé des utilisateurs et d’en prévoir un mesurage régulier.

 

 

 

 

Références non citées dans l’article : publications INRS ED6311 / ED6416 / ED6315


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